bouddha 5Vivre heureux, en harmonie avec soi-même et avec le monde qui nous entoure, est tout un art. La méditation de ce petit conte venu de la tradition orientale pourrait nous y aider.

 

Un jour, un samouraï connu pour son habileté à manier le sabre et pour son mépris de la mort, la sienne et celle des autres, s’en vint trouver le supérieur d’un monastère, renommé lui pour sa sagesse et sa bienveillance. En effet le samouraï, avançant en âge, commençait à se poser certaines questions dont la réponse lui échappait totalement. Il espérait bien obtenir du moine les explications dont il avait besoin.

Arrivé au monastère, il se trouva face à un petit homme vêtu d’une robe toute simple et n’affichant aucun insigne de sa fonction. Le samouraï expédia les salutations rituelles et demanda avec la brusquerie d’un homme habitué à commander aux humbles : « Moine, réponds à ma question, explique-moi : qu’est-ce que l’enfer, et qu’est-ce que le paradis ? ».

bouddha 5Le moine toisa son interlocuteur dont la haute taille accusait encore davantage la frêle silhouette : « Ainsi, toi, le guerrier redoutable, tu t’intéresses à ces sornettes ! Eh bien soit ! »

Changeant soudainement d’attitude, le moine se campa devant le samouraï : « Crétin, personnage prétentieux et ignorant, tu n’es qu’un épouvantail qui sonne le creux. Sans tes armes et ta cuirasse, que reste-t-il de toi ? Tu n’es qu’un individu dangereux, tout juste bon à tuer sur ordre aveuglément. Comme tous tes semblables. Hors de ma vue, sors d’ici… »

Le moine n’eut pas le loisir d’ajouter une parole que déjà le soudard avait dégainé son sabre et se jetait sur lui, ivre de fureur : « Misérable moinillon, sais-tu bien à qui tu parles ? Tu es fou, ma parole. Je vais te faire avaler la guenille qui te sert de robe… Je vais couper cette calebasse vide qui te sert de tête… ». Et comme il levait son sabre sur le petit homme, celui-ci à nouveau changea soudainement de comportement.

Abandonnant son attitude agressive, il s’inclina devant le samouraï : « Oh, pardon, je me suis laissé emporter. Je regrette mes paroles. Je suis un vieil homme sans importance, oublie ce que j’ai dit de toi et de tes semblables. Tu es courageux et sans doute utile à notre société. Je ne vaux pas mieux que toi. Pardonne-moi et réconcilions-nous ».

Le samouraï resta un instant immobile, le sabre suspendu au-dessus de la tête du moine. Silencieux, il semblait pétrifié par la surprise. Le moine le regardait avec insistance. Alors, au bout d’un moment qui sembla durer une éternité, le soldat recula, abaissa son sabre et rengaina lentement. Puis il parla. Sa voix n’était plus cassante et sèche. « Tu as de la chance, tu as su m’émouvoir, moi, le guerrier d’ordinaire sans pitié. Je te pardonne ton écart de conduite à mon égard. Après tout, malgré ta robe de moine et malgré ces murailles vénérables qui t’entourent, tu n’es qu’un homme toi aussi. Oui, tu as mon pardon. Oublions cette querelle».

Disant ces mots, le samouraï paraissait tout apaisé, presque joyeux. Mais il reprit aussitôt : « J’étais venu ici pour avoir la réponse à ma question. Me donneras-tu enfin cette réponse ?». « Mais ne t’ai-je pas répondu ? » dit le moine en souriant. « N’as-tu pas compris ? ». Le samouraï écarquilla les yeux.

« Lorsque tu m’as posé ta question avec arrogance et sans respect pour ce que je représente, je t’ai répondu à mon tour avec violence. J’ai blessé ton orgueil et tu es tombé dans le panneau. La fureur et la haine t’ont brusquement aveuglé. L’envie de te venger de l’injure a excité en toi la soif de tuer le misérable que j’étais à tes yeux. Tu ne te possédais plus. En cela, tu as fait l’expérience de l’enfer. Mais lorsque j’ai demandé ton pardon et que tu as accepté de me l’accorder en toute sincérité, tu as connu durant un instant la paix du cœur. En cela, tu as fait l’expérience du paradis ».